Aujourd'hui Lundi 07 Décembre 2009, 56 journaux appartenant à 45 pays différents, publient un
éditorial commun exhortant les dirigeants des différents pays y participant, à prendre les bonnes décisions, pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique qui menace tout notre écosystème.
Vous trouverez ci-dessous, la
version française publié par le Quotidien français LE MONDE qui est l'un des 56 journaux qui ont publiés cet
éditorial commun.
La
version originale est visible
ICI sur le site du
quotidien Le Monde
Notre génération face au jugement de l’histoire
Aujourd'hui, cinquante-six journaux de quarante-cinq pays ont pris l'initiative sans précédent de
parler d'une seule voix en publiant un
éditorial commun. Nous le faisons car l'humanité est confrontée à une urgence aiguë. Si le monde ne s'unit pas pour prendre des mesures décisives, le
changement climatique ravagera notre planète, et, avec elle, notre prospérité et notre sécurité. Les dangers sont apparus depuis une génération.
Aujourd'hui les faits parlent d'eux-mêmes : onze des quatorze dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées; la
calotte glaciaire du Groënland est en train de fondre et la
flambée des prix du pétrole et de la nourriture intervenue l'an dernier a donné un avant-goût des bouleversements à venir.
Dans les
revues scientifiques, la question n'est plus de savoir si c'est l'activité humaine qui est responsable de ces phénomènes, mais de calculer le peu de temps qu'il nous reste pour en limiter les dégâts. Et pourtant, jusqu'à présent, la
réaction mondiale a été marquée par
la faiblesse et le manque de conviction.
Le
changement climatique est enclenché depuis plusieurs siècles, il aura des conséquences à jamais irréversibles et c'est au cours des douze prochains jours que se détermineront nos chances de le maîtriser.
Nous demandons aux
représentants des cent quatre-vingt-douze pays réunis à
Copenhague de ne pas hésiter, de ne pas sombrer dans les querelles, de ne pas se rejeter mutuellement la faute mais de saisir l'opportunité de
réagir face à ce qui est aujourd'hui
le plus grand échec politique contemporain. Cela ne doit pas être un combat entre le
monde riche et le
monde pauvre, ni entre l'Est et l'Ouest. Le
changement climatique nous affecte tous et c'est ensemble que nous devons nous y attaquer.
La science est complexe mais les faits sont clairs. Le monde doit
prendre les mesures pour
limiter la hausse des températures à 2°C, un objectif qui exigera que les émissions mondiales cessent d'augmenter et commencent à diminuer au cours des cinq à dix prochaines années. Une
hausse de 3 à 4° soit la plus faible augmentation à laquelle il faut s'attendre si nous ne faisons rien, dessécherait les continents,
transformant les terres fertiles en déserts. La moitié des espèces vivantes pourraient disparaître, des
millions de gens seraient
déplacés, des
pays entiers
engloutis par la mer.
La controverse qui a suivi le piratage du courrier électronique de climatologues – visant à faire apparaître leur volonté de supprimer des données "dérangeantes" sur la réalité du réchauffement – a obscurci le débat. Sans pour autant remettre en cause
la masse des preuves sur lesquelles se fondent les
prévisions des scientifiques.
Rares sont ceux qui pensent que
Copenhague peut désormais déboucher sur
un traité parfaitement abouti; la possibilité d'y parvenir n'a pu s'ouvrir que grâce à l'arrivée du président
Obama à la Maison Blanche et au renversement de la politique obstructionniste poursuivie durant des années par les Etats-Unis. Aujourd'hui encore, le monde est à la merci de la
politique intérieure américaine, car
Barack Obama ne peut mettre pleinement en œuvre les mesures nécessaires tant que le Congrès américain ne les a pas approuvées.
Mais les
hommes politiques réunis à
Copenhague peuvent et doivent s'accorder sur les éléments essentiels d'un accord équitable et efficace et, surtout, sur
un calendrier ferme permettant de transformer cet accord en
traité. L'échéance qu'ils devraient se fixer pour le faire devrait être le
sommet de l'ONU sur le climat prévu en juin prochain
à Bonn. Comme l'a dit un des négociateurs : "Nous pouvons jouer les prolongations, mais nous ne pouvons pas nous permettre de rejouer le match."
Le cœur du
traité devrait consister en un
accord entre le monde riche et le monde en développement, définissant la manière dont sera réparti le fardeau visant à lutter contre le
changement climatique – et la façon dont nous nous partagerons une nouvelle et
précieuse ressource: le millier de milliards de tonnes de
carbone que nous pourrons encore émettre avant que le mercure n'atteigne des niveaux alarmants.
Les
pays riches aiment à rappeler la vérité arithmétique selon laquelle il ne peut y avoir de solution tant que les géants en développement tels que la Chine n'adopteront pas des mesures plus radicales que celles qu'ils ont prises jusqu'à présent. Mais le
monde riche est responsable de la majeure partie du
carbone accumulé dans l'atmosphère – soit les trois quarts du
dioxyde de carbone émis depuis 1850. Il doit donc donner l'exemple, et chaque pays développé doit s'engager à
prendre des mesures énergiques susceptibles de faire baisser dans les dix ans à venir ses émissions à un niveau nettement inférieur à celui qu'il était en 1990.
Les
pays en développement peuvent arguer du fait qu'ils ne sont pas responsables de l'essentiel du problème, et aussi du fait que les
régions les plus pauvres du monde seront les plus
durement touchées. Mais ces pays vont de plus en plus contribuer au réchauffement et, à ce titre, ils doivent s'engager eux aussi à prendre des mesures significatives et quantifiables. Même si son annonce n'a pas répondu à tous les espoirs, le fait que les deux plus gros pollueurs mondiaux, la Chine et les Etats-Unis, se soient fixé des objectifs en termes d'émissions constitue un pas important dans la bonne direction.
La
justice sociale exige que le
monde industrialisé mette généreusement
la main à la poche et fournisse des
moyens financiers capables d'aider les
pays les plus pauvres à s'adapter au
changement climatique, ainsi que des
technologies propres leur permettant de croître économiquement sans pour autant augmenter leurs émissions.
L'architecture d'un
futur traité doit être par ailleurs précisément définie – avec un rigoureux
contrôle multilatéral, de justes récompenses pour la
protection des forêts et une évaluation crédible des "émissions exportées" afin que le fardeau final soit plus équitablement réparti entre ceux qui fabriquent des
produits polluants et ceux qui les consomment. Et l'équité exige que le fardeau alloué à chacun des pays développés prenne en compte sa capacité à s'en charger; par exemple les membres les plus récents de l'
Union européenne, souvent beaucoup plus pauvres que les pays de la "
vieille Europe", ne doivent pas pâtir plus que leurs partenaires mieux lotis.
La transformation sera onéreuse, mais son coût sera largement inférieur à celui du récent
sauvetage de la finance mondiale – et infiniment moindre que le prix que nous aurions à payer en cas d'inaction.
Beaucoup d'entre nous, notamment dans les
pays développés, devront modifier leur façon de vivre. L'époque des billets d'avion qui coûtent moins cher que la course en taxi pour se rendre à l'aéroport, touche à son terme. Nous allons devoir acheter, manger et voyager de façon plus intelligente. Nous devrons payer notre
énergie plus cher, et en
consommer moins.
Pourtant cette réorientation vers une
société moins émettrice de carbone offrira probablement plus d'
opportunités qu'elle n'imposera de sacrifices. Certains pays ont d'ores et déjà constaté que se lancer dans cette transformation peut
générer de la croissance, des emplois et une meilleure
qualité de vie. Le flux des capitaux est à cet égard éloquent: l'année dernière, pour la première fois, on a plus investi dans les formes d'
énergie renouvelables que dans la
production d'électricité à partir de
combustibles fossiles.
Se défaire de notre accoutumance au
carbone au cours des deux ou trois prochaines décennies exigera des
prouesses d'ingénierie et d'innovation inégalées dans l'
histoire humaine. Mais alors qu'envoyer un homme sur la Lune ou provoquer la
fission de l'atome ont été des exploits dus au conflit et à la compétition, la
course au carbone qui s'annonce doit être guidée par une vaste
collaboration visant à notre sauvetage collectif.
Maîtriser le changement climatique suppose le triomphe de l'optimisme sur le pessimisme, de la vision sur l'aveuglément, ce qu'
Abraham Lincoln appelait "les meilleurs anges de notre nature".
C'est dans cet esprit que
cinquante-six journaux du monde entier se sont rassemblés autour de cet
éditorial. Si nous sommes capables, malgré nos divergences de vue tant nationales que politiques, de nous accorder sur ce qui doit être fait, alors nos dirigeants doivent aussi pouvoir le faire.
Les
politiciens réunis à Copenhague tiennent entre leurs mains le
jugement de l'histoire sur
la génération actuelle: une génération qui a été confrontée à
un défi et qui l'a relevé, ou une génération qui a été assez stupide pour voir fondre sur elle les calamités mais n'a rien fait pour les éviter. Nous implorons les participants de
faire le bon choix.
Traduction de l'anglais vers le français :
Gilles BERTONEn savoir plus sur le Sommet de Copenhague en visitant le site du quotidien français
LE MONDE